Le lancement d'un livre... Stratégie ou roulette russe ?
Rassurons-nous d'emblée : un auteur n'est pas l'unique responsable du succès ou du plantage de son œuvre. Il doit compter avec une multitude d'éléments extérieurs sur lesquels il n'a aucune prise. Et parfois, c'est très, très frustrant. Je dirais même plus : très frustrant !
Il y a quelques années de cela, je me suis attelé à un défi ambitieux. Je voulais écrire « le » roman. Vous me lisez bien, il ne s'agissait pas d' « un » roman mais « du » roman. Le sujet choisi me tenait particulièrement à cœur puisqu'il s'agissait du bouddhisme et plus particulièrement de l'une de ses écoles tibétaines. J'ai pris mon bâton de pèlerin pour trouver l'éditeur qui pourrait appuyer le projet et l'accompagner dans sa réalisation.
J'ai trouvé la perle rare et signé un contrat avec une avance assez conséquente pour me permettre de financer mon repérage. C'était d'autant plus important dans ce cas précis que le voyage m'a mené de la Chine au Népal en passant, bien évidemment, par le Tibet. L'aventure fut à la fois riche en rencontres humaines, en découvertes historiques et en explorations d'horizons lointains. Après le stade du repérage arriva celui de l'écriture. L'architecture de ce roman foisonnant était loin d'être simple et j'avoue en avoir bavé en passant de la théorie à la pratique. Il m'a fallu reprendre plusieurs fois le fil de l'histoire, réorganiser le plan, donner de l'épaisseur à certains personnages et en gommer d'autres. Heureusement, j'ai pu compter sur l'aide précieuse d'une éditrice qui, par la suite, est devenue une amie très chère.
Petit à petit, ce « Grand Cinquième » prenait forme. Il racontait le destin lumineux du cinquième Dalaï Lama, l'homme qui avait établi la capitale du Tibet moderne à Lhassa et édifié l'extraordinaire palais du Potala. Vinrent la remise du manuscrit et surtout les aller et retour avec l'éditrice pour les relectures du manuscrit. Il fallut songer au choix définitif du titre et de la couverture. Le bébé était prêt à m'échapper et à marcher sur ses deux petites jambes. Dans mon esprit, tout était réuni pour faire un grand et beau succès. Sauf une chose… Mon éditeur publiait en même temps un livre d'un auteur totalement inconnu. Une traduction d'un auteur américain qui ne m'inquiétait pas vraiment. Il s'agissait d'un livre aux tendances ésotériques intitulé le « Da Vinci Code ». Cela vous dit quelque chose ? En tout cas, il est rapidement devenu mon meilleur ennemi.
Inutile de vous dire que mon « Grand Cinquième » a été noyé sous le tsunami médiatique et commercial du best-seller de la l'année. La faute à qui ? À personne sinon à un caprice des plannings. Quand je vous disais que l'auteur n'était pas le seul responsable d'un succès… ou d'un flop.