Le spectateur perdu
Le théâtre est un art ingrat.
Il ne suffit pas d'être intelligent.
Il ne suffit pas de regarder le monde comme il va et d'en tirer des conclusions.
Il ne suffit pas de réfléchir aux formes.
Il ne suffit pas de s'entourer d'éclairagistes compétents, de scénographes compétents, de producteurs compétents.
Il ne suffit pas d'avoir bossé et de le montrer.
Pour que du théâtre advienne, il faut aussi créer des points de contact.
Des instants où scène et salle ressentent la nécessité de partager un espace commun.
Des instants où, intuitivement, on sait que cette co-présence a un sens.
Dans « L'Orchestre perdu », Christophe Huysman nous fait une démonstration, nous prouve son intelligence et ça nous laisse totalement de marbre. Nous ne savons pas pourquoi nous sommes là, pourquoi nous assistons à cela, en quoi cette démonstration nous concerne, nous regarde. Nous ne sommes pas regardés par ce spectacle. Il n'y a que Christophe Huysman qui le soit.
Constater qu'il a travaillé, qu'il n'est pas idiot, qu'il est bien entouré, n'y change rien.
Je ne vais pas au théâtre pour assister à une démonstration.
Je vais au théâtre pour jouir d'un partage inattendu.
Sans partage, pas de jouissance.
Et pas de théâtre.