Légèreté, tu es désir
Venise.
Ce lieu (ce dieu ?) triplement retiré - la lagune, le quartier de résidence, la saison -, Philippe Sollers l'a choisi pour son dernier récit, "Trésor d'amour".
Venise, donc… Emblème du plaisir et du désir. De la création et de la pensée. De l'accomplissement secret, loin des parasitages de la communication et du mondain.
Le texte s'y polyphonise sur fond d'idylle - de passion moderne - à travers un fabuleux jeu de renvois avec ceux de Stendhal.
Un homme d'un certain âge et une jeune Italienne, prénommée Minna, par ailleurs spécialiste des écrits d'Henry Beyle et lointaine descendante de Mathilde, son impossible amour, s'y retrouvent et s'y complaisent. « On se tait beaucoup, preuve qu'on s'entend », écrit le narrateur amoureux.
Il cite par ailleurs cette phrase de Stendhal qui vaudrait d'être méditée : « J'écris en langue française, mais non pas en littérature française ». Il a donc « parfaitement conscience de faire autre chose ».
Et de pourfendre l'exténuement de la narration contemporaine hantée par le film qu'on pourrait tirer de ces pages. Et de proposer, dans la foulée, « un plus que roman », fondé sur la « proximité la plus proche ». Celle-là même qui est désir et ravissante simplicité.
Légèreté donc. Envol et promenade. Texte et sexe (aucun détail). On glisse, on vole, on nage, on vit. On file dans la langue comme on passe d'un canal à l'autre, entre mille et une façades.
Désir et silence entre les heures, entre les pages, entre les lèvres où naissent d'autres mots. Navettes. Joie de l'instant, vivacité de l'imprévu. La création, sans les pesanteurs du romantisme et de ses séquelles.
Un art subtil.
« Lire, c'est être du même côté que celui qui est en train de tracer ces mots-là, ce jour-là, dans tel ou tel état »…
A suivre, à vivre.