L’épée du roi et l’électricien

Publié le  02.09.2010

Vrai-faux conte

Il était une fois un roi qui avait deux pays. Un petit pays où les hommes, les femmes, les enfants et, le roi lui-même, avaient la peau claire, et un très grand pays, très éloigné du petit, où les habitants avaient la peau foncée.

Au pays blanc, où habitait le roi, il pleuvait souvent et l'hiver, la neige recouvrait les villes et les campagnes. Il ne neigeait jamais sur le pays noir, le soleil y brillait toute l'année et il  y faisait très chaud. 

(Ill. : une forêt de parapluies) (Ill. : la canopée d'une forêt tropicale.)

 

Le palais du roi était entouré d'un grand parc dans lequel il y avait une serre où poussaient des plantes et des fleurs. Les plus belles venaient du pays noir, mais pour qu'elles se développent bien, il fallait chauffer la serre à blanc.

Un jour, le roi décida de rendre visite aux habitants de son grand pays noir. Sans doute, en avait-il assez de voir tomber la pluie derrière les vitres de son palais et cherchait-il un peu de chaleur. Le roi se prépara donc à faire le voyage : il enfila son uniforme blanc, mit ses chaussures blanches, son képi et ses gants blancs et boucla autour de sa taille le ceinturon auquel était suspendue son épée. L'épée dans un fourreau était une partie très importante du costume royal : elle rappelait à tout le monde que le roi était le roi, même si tout le monde le savait déjà. C'était comme la couronne que les rois du temps jadis portaient sur la tête.

 

(Ill. : l'épée royale, avec cordon et passementerie, fourreau et ceinturon.)

Le roi blanc prit l'avion pour le pays noir.

 

(Ill. : une carte géographique (muette), continents blanc et noir, trajet par avion de la compagnie, BASANE.)

 

Après plusieurs heures de vol, il débarqua sur l'aéroport de la capitale où il fut accueilli par la population, une fanfare, des danseurs en costumes et bien sûr, les notables du pays.

 

(Ill. : Aéroport : danseurs - images Belgavox -, fanfare, notables…)

Puis, le roi monta à l'arrière d'une limousine noire et, s'y tenant debout, bien droit, parcourut lentement les avenues noires de monde, en saluant la foule de la main, sous un soleil de plomb. 

(Ill. : le roi blanc, lunettes noires, debout dans la limousine. A l'arrière plan, le monde derrière les barrières Nadar.)

Soudain, un homme fendit la foule, se précipita vers la limousine du roi et lui enleva son épée... Le fourreau royal était vide, le visage du roi, livide. Brandissant au dessus de sa tête l'épée dont la lame brillait comme un soleil, l'homme s'encourut et disparut dans la foule. Le cortège royal poursuivit son parcours à travers la ville, mine de rien…

(Ill. : l'homme - grand, mince, en costume foncé - l'épée à la main, courant le long de la limousine, l'air ravi.)

L'événement suscita un tollé au pays blanc. L'indignation était à son comble et la presse n'avait pas de mots assez forts pour condamner l'affront fait au royal visiteur. On parla d'acte de lèse-majesté, de sauvagerie, de barbarie, d'immaturité caractérisée. Son auteur ayant été arrêté, on escomptait que la justice de son pays rende un verdict d'une sévérité exemplaire.

Au pays noir, que ce soit dans les grandes villes ou dans les plus petits villages de la forêt, on en parlait beaucoup aussi. Celui qu'on appelait le vieux informa un soir ses amis que le grand frère qui s'était emparé de l'épée du roi avait été relâché et qu'il vivait dans son village natal au bord du grand fleuve. Il ajouta qu'un petit musée allait lui être consacré, en hommage à son geste. La nouvelle plongea l'assemblée dans la joie, chacun y alla de son commentaire. "Quelle bravoure !..." "Y aura-t-il une photo du grand frère dans le musée ?..." "L'épée y sera-t-elle exposée ou faudra-t-il la rendre au pays blanc ?..." "Un chef sans épée, est un chef sans pouvoir !..." "Le message est clair !..."

(Ill. : joyeuse palabre dans un village de la forêt.)

Le vieil homme qui me raconta cette histoire ajouta que l'épée n'a jamais été retrouvée et que le grand frère était électricien de son état. Fiat lux !

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