Les collaborations, pour le meilleur et pour le pire

Publié le  17.01.2014

En tant que scénariste, il arrive fréquemment d’écrire à quatre mains. Que ce soit avec d’autres scénaristes, avec des réalisateurs ou des producteurs. J’ai tout essayé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que choisir un collaborateur, c’est comme choisir une paire de chaussures : soit ce sera confortable et permettra d’avancer plus vite, soit ce sera un calvaire sans fin qui vous donnera envie de vous enterrer sur place.

Au début, on accepte tout ce qui se présente. C’est comme ça que le premier réalisateur avec qui j’ai travaillé, qui habitait à une heure et demie de chez moi en voiture, s’arrangeait quand même pour oublier nos rendez-vous une fois sur deux, disait systématiquement « non » à toutes mes propositions et me présentait comme son « assistante ». Après ça, j’ai fait une mini dépression et je ne suis pas sortie de chez moi pendant trois semaines.

Le second réalisateur avec qui j’ai eu l’opportunité de collaborer habitait plus près. C’était déjà ça. Mais tous les matins, en allant chez lui, j’avais envie d’écraser ma voiture à pleine vitesse contre un arbre. Avec moi dedans.
Nous écrivions un film pour enfants. Avec des enfants donc. Mais nous n’avions pas du tout le même langage. (C’était peut-être dû aux deux générations qui nous séparaient.)
Par conséquent, quand je mettais dans la bouche de notre jeune héros, par exemple :
–  « Waouw, c’est mortel ! »
Il me rétorquait :
– « Mais enfin, pourquoi il dit ça ? Il sait bien que ça ne va pas les tuer ! »
Moi :
– « Non, c’est juste une expression, ça signifie que c’est super. »
Lui :
– « Ah non, si je ne connais pas, personne ne connaît ! »
On s’est donc retrouvé avec des dialogues « contemporains », prononcés par un garçon de 8 ans, du genre : mazette, saperlipopette ou diantre…
Sans compter que nous étions 3 à écrire. Il écrivait un jour sur deux avec moi, et l’autre jour avec un autre scénariste, dont le travail consistait principalement à effacer tout ce que j’avais écrit la veille. À la fin je m’en foutais, je voulais juste mourir.

Et puis est venu le jour où l’une de mes anciennes profs m’a mise en contact avec un jeune réalisateur. Il avait besoin d’aide sur les dialogues. Alors que nous travaillions, habituée à être sur la défensive, je m’apprêtais à contester quand une impression fulgurante m’a traversé l’esprit : son idée est meilleure que la mienne ! J’étais sous le choc. Une collaboration ne se limitait donc pas à deux camps qui s’affrontent, mais elle pouvait se transformer en une émulation positive, où chaque idée est meilleure que la précédente. Waouw !

Depuis, je choisis avec soin les projets et les collaborateurs avec qui je travaille. Sujet, ton, personnalité, je scénarise aujourd’hui avec des personnes qui sont humainement et professionnellement compatibles. Des personnes avec qui je partage finalement une idée du monde, une philosophie de vie. Et quel bonheur ! Et quelle efficacité !

Bref, je ne m’aventure plus dans des écritures dont je sais d’avance qu’elles vont faire ressurgir mes envies suicidaires, mais au contraire dans celles qui donnent envie de se lever le matin et de s’investir à fond.

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