Muses de Bela - Valérie de Changy
Au départ, il y a l’envie de provoquer la rencontre. De voir comment les pratiques se répondent, ricochent, ou pas, font des grands écarts. En 2015, pendant la Foire du Livre, nous invitions des auteurs dans un salon aménagé sur notre stand. On leur a dit: soyez la muse l’un(e) de l’autre. On leur a dit aussi: on aimerait que vous parliez de votre métier d’auteur. On a ajouté: si vous nous envoyez un portrait après, ça nous intéresse – mais si vous préférez partir sur la fiction, l’illustration, la poésie,… allez-y. On leur a dit enfin: vous avez 48h pour nous envoyer votre création après la rencontre.
Vendredi 27 février à 14h, Valérie de Changy et Marie Colot ont pris place dans notre salon. Voici le texte que Valérie a écrit suite à cette rencontre « Muses »:
Sous la frange
Dans mes mails, l’invitation de BELA à la Foire du Livre.
Jamais compris la « Foire du Livre » ; jamais aimé ça. D’ailleurs, je n’y vais jamais. Ca me perturbe : rien ni personne ne s’y trouve à sa place, à sa juste place. L’écrivain ? Il n’y écrit pas. Le lecteur ? N’y lit pas. L’éditeur n’y édite pas. Mais on y vend, on y compare, on y signe, on y vante, on y vend.
Des vendeurs, des vanteurs, du vent…
L’invitation de Bela me semble bien contradictoire : invitation à rencontrer un auteur. Mais une rencontre, ça opère à votre insu, précisément quand vous ne l’attendez pas, ça vous surprend et vous ouvre les yeux sur un horizon inexploré. Une rencontre, ça relève du nouveau et de l’inconnu.
Perplexité et doute, donc, à l’invitation de BELA.
Je ne comprends pas…
donc j’accepte.
Et je rencontre.
Je rencontre de l’Autre, dissimulé dans du même.
Je me suis découverte, en saluant Marie.
Marie Colot/ Valérie de Changy : deux mêmes franges brunes coupées le matin pour dissimuler les mêmes interrogations.
Parce que toi aussi, Marie, tu es prof de français ?
Parce que toi aussi, Valérie, tu t’es isolée à la campagne ?
Tes personnages ? Entre enfance et âge adulte, en quête d’eux-mêmes. Idem.
Faire sauter les boulons du boulot et donner de l’espace à l’écriture dans ta vie ? Toi aussi, moi aussi, je te demande si tu vas oser ?
Ta main, ma main se tient au stylo comme au compas qui structure ton monde. S’agrippe au stylo, oui. Non ne tape plus au clavier. Toi ? Non plus.
Sur le divan de Bela, nous nous sommes reflétées, nous nous sommes réfléchies :
Et ta rencontre, Marie, m’a renvoyée à l’Autre. L’Autre en moi. Je te bénis.