Olivier Py : Le plancher était une vague de planches
par Sylvia Botella
Épuisé mais heureux, Olivier Py revient avec nous sur sa plus grande émotion de théâtre, celle qui l’anime encore dans les jardins de l’Université Louis Pasteur à Avignon. Parce qu’il n’y a que l’art, ce trouble, ce débordement qui fait exploser notre finitude.
Quelle est votre plus grande émotion de théâtre ?
Je crois que c’est Le Roi Lear mis en scène par Matthias Langhoff en 1986. Je l’ai vu à Paris, à la MC 93 Bobigny. Je découvrais à la fois Shakespeare et la mise en scène. Avant ce spectacle, je n’avais aucune idée de la mise en scène. Je l’envisageais seulement sous l’angle de la direction d’acteurs et je n’avais pas encore compris la mise en scène au sens où les Allemands la comprennent. C’était une vraie révolution pour moi. Et je découvrais aussi Shakespeare. Avant ce spectacle, je n’avais pas vu qui était Shakespeare. Je n’avais pas vu que Shakespeare était celui qui nous permettait encore et toujours d’agrandir la possibilité du théâtre, de l’agrandir au plus grand, c’est à dire à la conscience totale du monde. Ça, je ne l’avais pas découvert avant ce spectacle-là. C’était la première fois que je voyais une pièce de Shakespeare tout à fait débarrassée des conventions bourgeoises. Oui, je crois que ce spectacle a changé ma vie.
Je me souviens d’un instant, en particulier, où le plancher – sur lequel le Roi Lear était en train de parler – était pris de vagues, transformé en une vague, une vague de planches. Je crois que je cherche depuis toujours quelque chose d’équivalent dans mon théâtre, qui s’appelle peut-être lyrisme et qui fait que la matière se met à être animée de la présence… de la présence d’un lieu. Oui, cet instant-là, je n’arrête pas d’y penser.
Propos recueillis le 19 juillet 2014 à Avignon.