TB² : coulisses du festival commun des Brigittines et des Tanneurs
D'un côté, il y a Les Tanneurs dont le projet est d'être une résidence d'artistes, une fabrique de théâtre et un lieu d'échanges. De l'autre, il y a Les Brigittines dont la programmation est essentiellement tournée vers les œuvres chorégraphiques qui, dans le creuset étrange et très ouvert de Bruxelles, sont le signe d’une inspiration libre et stimulante. En juin 2021, les deux structures inaugurent un festival commun : TB².
Que deux théâtres travaillent ensemble pour un même festival, ce n’est pas si fréquent. Pour Les Tanneurs et Les Brigittines, c’était une première. L'occasion pour l'autrice et journaliste Cécile Berthaud d'interroger les forces vives de cette expérience inédite et d'en découvrir les coulisses.
Ce mot « festival ». Frappé de l'ombre du Covid. Il sonne comme un doux rêve, celui des jours meilleurs. Il charrie fête, humains, rassemblement, va-et-vient, multiples lieux, découvertes, réjouissances, gobelets remplis, œil ravi, cœurs en vie. Cet événement jouissif, Les Brigittines et les Tanneurs nous l’offrent avec une délicieuse outrecuidance : c’est leur premier festival en commun, les conditions ne sont pas du tout idéales, la préparation a été rude car dans des délais serrés, mais TB² est là. Et le public aussi.
Au programme, essentiellement de la danse contemporaine, ainsi qu’une pièce de théâtre. En pratique, des soirées composées où l’on peut voir un premier spectacle à 19h dans l’une des maisons, et un deuxième à 21h chez sa complice. Entre les deux, cinq minutes à pied d’une joyeuse petite transhumance dans les Marolles.
Communiquer à deux en restant soi-même
La complicité entre Les Tanneurs et les Brigittines n’est pas neuve. Le prêt de matériel est régulier, les deux directeurs artistiques nourrissent d’excellentes relations et c’est donc comme une évidence qu’est venue cette idée d’un festival commun. Il aurait dû voir le jour en juin 2020, mais « Confinement I » lui a coupé les ailes. Le lancement en juin 2021 a longtemps été incertain, « Confinement II » ayant été ce qu’il a été pour la culture… Il a donc fallu travailler dans le rush, particulièrement pour les chargées de communication. En démarrant les préparatifs début avril, le planning de communication ne pouvait pas être idéal. Toutefois, la mutualisation a bien fonctionné. « L’enjeu était de communiquer sur un événement commun tout en gardant nos identités propres, mais en créant une identité de l’événement neutre, éclaire Sandrine Tielemans, la responsable communication des Brigittines. Donc au niveau graphique, on a essayé de voyager entre nos deux identités. » Puis il a fallu promouvoir le festival en se mettant au diapason. « On a unifié notre communication, c’est-à-dire envoyé les mêmes newsletters, diffusé un teaser commun, imprimé une brochure, partagé sur les réseaux sociaux les posts de l’autre », complète Émilie Gäbele, responsable communication des Tanneurs.
Des échanges de pratiques et de visions
La collaboration a été intense aussi entre les pôles administratifs autour de la gestion de l’événement. Particulièrement pour la billetterie commune qui cumulait le fait d’être une première pour les deux maisons et de devoir prendre en compte les jauges réduites dues aux mesures Covid.
Ce sont aussi les deux chargées de relations avec le quartier qui ont été amenées à travailler étroitement ensemble. Via un projet participatif commun, mené par la chorégraphe Jeanne Brouaye. Il devait rassembler des habitantes des Marolles en vue d’un spectacle participatif prévu pour être programmé dans TB². Il a fallu l’adapter en ateliers individuels avec Jeanne Brouaye et en installation plastique. « Travailler ensemble pour Camille (Collard, des Brigittines, NDLR) et moi, cela a signifié être deux à organiser les ateliers, à communiquer pour trouver les participantes, à faire le lien entre elles et l’artiste, et entre participantes, explique Mathilde Lesage, des Tanneurs. C’est toujours très enrichissant de travailler avec des personnes d’autres structures et de voir comment elles s’y prennent, comment ça fonctionne de leur côté. Cela permet aussi de discuter de ce qu’est la médiation tant au niveau méta que concret. »
Le ressenti est le même pour les chargées de communication qui relèvent aussi qu’il est à la fois rare pour elles et très utile d’avoir l’occasion de confronter les expériences, les façons de faire, d’échanger des pratiques. « D’habitude, on ne voit que le résultat du travail des responsables de communication des autres théâtres, à travers leurs brochures ou leurs stories Instagram. Là, on peut voir l’élaboration de l’intérieur. C’est extrêmement enrichissant », se réjouit Sandrine Tielemans.
Le plaisir de sortir de son train-train
Du côté des directeurs artistiques, la collaboration entre eux deux était gagnée d’avance. Patrick Bonté, des Brigittines, et Alexandre Caputo, des Tanneurs, se connaissent très bien pour avoir déjà collaboré ensemble, notamment au Théâtre National, et s’apprécient mutuellement. « Ce festival commun nous paraissait tellement naturel. Nous avons le même intérêt pour les nouveaux langages et nous sommes implantés à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. C’était aussi l’occasion de faire découvrir Les Tanneurs aux spectateurs des Brigittines et vice versa », explique Alexandre Caputo. « Oui, renchérit Patrick Bonté, la complicité est là entre nous, et entre les équipes. On pratique aussi déjà les soirées composées où les spectateurs peuvent voir un, deux ou trois spectacles, en changeant de salle. Cette transhumance d’une salle à l’autre a nourri l’envie d’un voyage d’un théâtre à l’autre. »
La programmation commune n’a posé aucun problème, tous deux défendant des spectacles singuliers, qui témoignent d’un univers sensible, affirmé et qui vont dans la chair du contemporain. Pour leurs publics respectifs, c’est évidemment une opportunité de découvertes et d’étonnements artistiques. « Et après une année telle qu’on l’a vécue, c’est particulièrement agréable de passer d’un théâtre à l’autre et de découvrir des univers artistiques si différents au cours d’une même soirée », pointe Alexandre Caputo. « Cela a été un plaisir de travailler ensemble. On a mutualisé nos forces, et même potentialisé nos forces. On a partagé les mêmes soucis et trouvé ensemble les solutions. Tout cela au service des artistes et du public », souligne Patrick Bonté.
Aucun doute, l’expérience a été positive. La deuxième édition de TB² est déjà prévue en juin 2022. Elle évoluera certainement en fonction du debriefing de cette première mouture. Les deux directeurs savent qu’ils veulent absolument des spectacles à l’extérieur. Pour le reste, ils gardent le secret de ce qu’ils mitonnent.